Quand leurs voix ont brisé mon silence : Le récit poignant d’un imam transformé par la souffrance des enfants mariées trop tôt
« J’ai perdu mon bébé parce que je ne savais rien. Rien sur mon corps, ni sur les soins à avoir. J’ai été marié de force », confie Fatima 15 ans, les yeux embués. À ses côtés, Aïcha murmure : « J’avais 13 ans quand on m’a donnée en mariage à un homme qui avait l’âge de mon père. Il me battait. J’ai fui. »
Dans une salle silencieuse ce jour-là devant un public attentif à Bétérou, dans la commune de Tchaourou, les témoignages des enfants ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd. Car parmi ceux qui écoutent, se trouve Inoussa Bio, imam du village de Wari Samba, bouleversé pour la première fois par ce qu’il refuse d’appeler une simple “tradition”.
Pendant des années, l’imam célébrait des mariages entre hommes adultes et jeunes filles, parfois sans jamais demander l’âge réel des épouses. Il avait assisté à des sensibilisations, entendu les discours et vu passer les projets. Mais rien ne l’avait ébranlé jusqu’à ce que DEDRAS-ONG, à travers le projet ‘’ Briser les chaînes du travail et de l’exploitation domestique des enfants ’’, introduise une nouvelle méthode : faire entendre les survivantes.
« Ce n’était pas des chiffres ni des discours. C’étaient des jeunes filles réelles, devant moi, détruites par ce système auquel j’avais participé. Et là, j’ai vraiment écouté. », confie-t-il, la voix chargée d’émotion. « J’ai compris ce jour-là que je n’étais pas un simple témoin : j’étais complice. »
Depuis ce moment, le vieil homme refuse de célébrer un mariage sans avoir vérifié l’acte de naissance de la jeune fille, garantissant qu’elle est en âge légal de se marier. Il consacre également ses prêches, ses échanges avec les familles, et même les réunions villageoises à relayer l’histoire de Fatima et d’Aïcha avec leur autorisation pour susciter, lui aussi, la prise de conscience. Il a décidé de devenir la voix des silencieuses.
« Leur courage ne sera pas vain. Leur parole sauvera d’autres filles. Moi, je parlerai pour elles, je défendrai leur enfance. »
